
RÉPARATIONS _ juillet 2022_no zéro_sahus sahus éditions
il fait seul il fait ce temps de chien de chiasse
ça gribouille ça vole en éclats trois mots à la minute qui s’écoule
et ta pause est déjà finie
ça bosse de misère en misère avale avale avec de l’eau
le calmant qui ne passe pas le moral obstrué
vous – calmez vous
et foutez nous la paix et maintenant et pas à l’heure dite
car mourir sans grandiloquence
n’est pas de tout repos
RÉPARATIONS est le faux troisième de l’ouvrage collectif la correction, un projet d’alain jugnon partenarié avec les éditions dernier télégramme
RÉPARATIONS est une excroissance d’une cellule première qui a senti grandir en son sein une présence par l’absence pour réparer quelque chose – où sont les femmxs ? écrivent-elles seulement ?
piloté par marc perrin carte blanche numéro de femmes, avec des femmes, femmes-femmes ou femmes-femmxs, des filles, des gamines, des fantômes, des lesbiennes, des pours et des contres l’écriture inclu, s’identifiant comme telles, par la force des choses, parce que c’est quand même un peu forcé, un peu la galère, disons-le, l’être-femme.
il y a souvent des mecs en poésie, des mecs en philosophie, des mecs là où ça compte, parce qu’on leur fait confiance, on leur reconnaît la capacité à faire avancer les choses dans un sens inconnu d’eux-mêmes, mais oui, ça avance
on corrige la correction, on se corrige, avec les hasards qui n’en sont pas puisqu’ils relèvent d’une architecture psychosociale patriarcale – on cherche un langage partageable, un terrain d’entente, un être en commun négocié – un langage de la réparation(s).
on fatigue, parce que ça fait mal, le revuisme, parce que ça ne circule que très difficilement, que personne n’est vraiment payé, qu’on calcule, le nombre de mots, de lignes, de contributions, les copies offertes, posées là pour que ça explose, les invendus, les rebuts, la quantité incalculable d’énergie investie/désinvestie, et les retombées qu’on n’ose pas même imaginer, parce que l’inertie dépasse l’entendement, et qu’on aimerait ça cesser d’être déçu.
RÉPARATIONS c’est l’esthétique punk soutenue dirait gaëlle morand
c’est le jaune canari la couleur transitoire le signe qui invite et/ou à accélérer
et/ou à ralentir
la danse du rond-point
une solidarité en reste du samedi pour celleux qui ne dorment jamais
d’un seul oeil sans trêve d’un rêve de grève dont on ne revient pas
parce que c’est gagné c’est perdu fin de partie
tout le monde descend
c’est un dossier écrit par des écrivains, des artistes, par des voix minorées pourtant saluées (claire baglin (minuit), élodie petit (du commun))
on ne lit pas vraiment fiévreuse plébéienne à montréal
à montréal on est très occupé à se faire une littérature québécoise
on est très occupé à s’inventer des espaces à nous pour nous défaire du nationalisme
à montréal il y aurait un public un lectorat pour fiévreuse plébéienne
pour RÉPARATIONS aussi mais un public-un lectorat c’est un machin à inventer
et dans les faits on est mal barré c’est-à-dire disciplinaires
ou disciplinés #autoritarisme
il y a un fossé entre les poètes féministes qui prônent l’art-thérapie
et les écrivains pragmatistes pas assez féministes pour les féministes
qui lisent les essais de federici de meinhof de hooks mais pas assez
la littérature du soin les témoignages pas assez d’eaubonne de despret
pas assez la parole qui porte un vécu qui ne porte pas parce que l’ars poétik
est un joujou scintillant une maestria un outil muséal sans usage propre
bref je ne connais personne ici qui a lu sérieusement élodie petit
parce qu’il faut aimer les lettres la philo le sexe et l’écriture inclusive
je ne sais pas comment on peut ne pas aimer tout ça à la fois
mais ce n’est pas à moi qu’il faut dire
de lire élodie petit

bon évidemment vous allez vous dire
elle donne de la visibilité aux plus visibles des invisibles
oui bah je sais comment marche la mise en marché
vous marchez dans les sentiers battus pas ailleurs
à moins qu’on vous y encourage avec une note une bourse ou un gâteau
ne vous foutez pas de ma gueule merde
on connaît la chanson
bourdieu lui-même disait qu’il éprouvait des envies de meurtre
quand il entendait l’accent de son milieu campagnard d’émergence
on déconstruit mais la honte la honte et le jugement
c’est pré cortex pré frontal
ça pue ça suinte ça donne envie de dégueuler
la honte
les diplômes c’est papier peint sur dégât d’eau moisissure
ça recouvre ça coule ça ne répare rien

RÉPARATIONS c’est un rassemblement sans distinction
une vraie boum entre singularités pensantes savoirs situés expériences matérielles vécues on se regarde se toise depuis là où on a échoué
mea culpa de ne pas parler le langage des dominants
mea culpa de parler le langage des dominants
tout le monde est coupable
allez les filles on vous écoute
pour une fois on ne cherche pas à vous évaluer
on ne vous demande pas de plaire ou de déplaire
de vous asseoir de vous tenir bien de vous taire
de surpasser les attentes de défier
le sens commun

les textes de RÉPARATIONS sont inégaux
parce qu’il appert qu’il y a encore inégalités dans la malchance
bien qu’ils soient nombreux en haut à travailler très fort à l’oublier
et le problème avec l’éthique la morale c’est que quand bien même
on couronne annie du nobel la gosse d’épiciers
on s’approprie une victoire comme on laminerait un crachat méritocratique
le problème avec les parvenu.e.s (dont j’en suis)
c’est qu’on s’embourgeoise à vitesse grand v et parce qu’on en a gouté
des vertes et des pas mûres on se dit juste un peu
juste un tout petit peu encore
un tout petit mini peu pour moi qui en ai gouté merde
et pourtant on sait jusqu’au fin fond de notre être
qu’on bouffe la part de ceux qui n’ont rien
pendant que ceux qui se font vomir pour mieux jeter leurs surplus
et nous offrir généreusement leur régurgitation
nous rappellent dès qu’on ose râler
qu’on vient (pas la peine de faire comme si) d’en-bas
que ça pue de la bouche les parvenu.e.s que ça transparaît ça sue
ça dégouline avec notre coeur au ventre
notre émotivité criarde notre volonté brutale
gestualité bâtarde brûlante trublionne
notre manière trop volontaire de serrer une main
un peu trop fort un peu trop longtemps
bravo annie mais tu devrais lire RÉPARATIONS
venger le présent des femmxs de banlieue prolo
ayant grandi en hlm ou en maisons closes le présent
des mauvaises des pires des violées
le temps volé au capital des lectrices
de solanas de despentes de duras
de dorlin de davis de morrison
des petites filles lesbi de dédé coco cégétiste
des lycéennes pro gilets jaunes qui choisissent de faire lettres modernes
moins pour rimbaud que pour ursula le guin

parce qu’aujourd’hui est une dystopie sans science
et franchement une mauvaise blague ne porte pas à rire
plutôt à se lever et à se casser
the silence is heavy
ursula dit pour entendre il faut être silanxieux
face à un adversaire irrecevable
constituer une fin
de non-recevoir
boulot par amour
je suis qui bordel
are you here for the end of the world ?
ego fragiles abstenez-vous
de détruire par amour
mieux que de réparer
sachez
t̾a̾k̾e̾ c̾a̾r̾e̾ d̾o̾ c̾a̾r̾e̾ ☺☹ ༝༝༝༝
